U. , mais cette fois-ci en récrivant la VI e branche. Il s'agit de la Vengeance Raguidel de Raoul de Houdenc qu'il est instructif de comparer brièvement cette récriture à son original pour mieux comprendre la

. Dans-la-vengeance, . Raguidel, . Arthur, and . De-façon-topique, Mais il ne se passe rien, si ce n'est qu'un orage éclate. Perdant patience, Arthur laisse ses chevaliers à table et va se coucher sans manger. C'est alors que l'insomnie a lieu : « Qant il fu nuis, si se colca / Mais ne dormi ne repossa 44 ». Il s'avance alors vers une fenêtre, y passe la tête et voit arriver la nef : Au plus isnelement qu'il pot Est alés a une fenestre, Son cief met hors por veïr l'estre. Li rois regarde aval la mer, Voit une nef vers lui sigler Qui forment s'aproce de lui, Et si ne voit dedens nului Qui la maint ne ne la conduie

, Incapable maîtriser les signes, Arthur est également incapable de tenir ses chevaliers : bien que ce soit Gauvain qui soit parvenu à retirer le tronçon de lance, Kex qui veut absolument briller désobéit au roi et part en aventure pour venger le mort : « Et Kex vait faire la venjance / Sans le commandement le roi 47 . » Bien entendu son initiative fait long feu et tourne presque aussitôt au fiasco. L'insomnie du roi ne fait donc pas de lui un élu de l'Autre Monde dont la mission serait de faire s'accomplir le destin littéraire de ses chevaliers, La nef se jette sur la plage qu'elle frappe avec violence, comme si le rivage sur lequel elle s'échoue avait fait obstacle et comme si elle visait plus loin 46 . Puis le roi se rend dans la nef

R. De and H. , La Vengeance Raguidel, éd. Gilles Roussineau, pp.90-91, 2004.

V. Ibidem, , pp.102-113

L. Voir-romaine-wolf-bonvin and . Bestornée, Une étrange constance. Les motifs merveilleux dans les littératures françaises et francophones. Colloque international, pp.75-106, 2005.

O. Vengeance, , pp.382-385

, Aventure surnuméraire et anneau surnuméraire se font écho pour désigner la distance ironique prise par Raoul de Houdenc par rapport à son récit et pour signifier son démarquage parodique. Et ce ne sont là que les premiers des effets de discordance qui fondent l'écriture parodique, il y en a bien d'autres. On voit ainsi que durant son insomnie le roi a bien du mal à rester calme, et nous sommes loin de l'image d'un Arthur empreint de sérénité

T. Le and . Qu, il n'a bien ne bas, ne haut. Dormir cuide, rien ne li vaut, Ne dormist por nule aventure Des piés bote sa coverture, Si s'est drecié en son seant 48

, Arthur de la Vengeance Raguidel trépigne, et des pieds jette au bas de son lit sa couverture en tas. Il semble méconnaître l'art de plier et déplier? Cette utilisation inconvenante et décalée des pieds se retrouve dans l'épisode où le sénéchal Keu tente d'extirper du corps de Raguidel le tronçon de lance. Il s'y prend comme un forcené, de façon indécente et fort irrespectueuse pour le défunt. Si nous n'étions pas dans un roman parodique, nous ne serions pas loin d'une profanation de cadavre : Premiers a Kex le tronçon pris, Si l'a par grant aïr sacié, Mais il ne l'a mie esragié. Quant il voit qu'il nel puet avoir, Le pié a mis sus por savoir S'il l'en poroit sacier par force

. Dans-senescaus,

, Enfin, les éléments descriptifs de l'insomnie du roi dans la Première Continuation (les nuages, la nuit dans la nuit, les ténèbres qui voilent le monde pour mieux dévoiler merveille), tous ces éléments sont laissés de côté lorsque de la nef s'échoue dans la Vengeance Raguidel

, Nous suivons ce serviteur dans les cuisines où il fait si chaud et où règne une telle fumée que le jeune homme manque de s'asphyxier et se jette à une fenêtre pour trouver de l'air frais : Et li vallés sans nul sejor S'en est venus a la cuisine, Mais la fumee et la caline Li est ferue en mi le vis. Et li vallés, ce m'est avis, Est alés a une fenestre Por ce qu'il ne pooit plus estre En la fumee quil greva, ces éléments sont repris, toujours dans une même intention de décalage : alors que le roi est enfin passé table

, A ce moment il voit sur la plage un chevalier qu'il ne connaît pas s'emparer des anneaux de Raguidel puis s'enfuir. Un personnage regardant par la fenêtre et qui, une fois la chaleur et les nuées dissipées, voit une nef, voilà qui rappelle quelque chose, d'autant que le terme employé pour désigner la chaleur est caline dans les deux romans 51 . Raoul de Houdenc dans la cuisine de son roman reprend les mêmes ingrédients que ceux du premier continuateur

, Elle est aussi le moment d'une disconvenance première qui en annonce de nombreuses autres et donnent au récit sa tonalité parodique. Dans la Vengeance Raguidel, celui qui prend le contrôle de la fiction, c'est Raoul de Houdenc qui manipule ses personnages et se moque, p.52

, Cette topique, nous la trouvons dans toutes sortes de texte, depuis la lyrique de Guillaume de Poitiers, chez qui le sommeil est métaphore de l'acte créateur (« Farai un vers, pos mi sonelh? 54 ») jusque dans les récits historiques comme l'Histoire ecclésiastique de Bède le Vénérable qui, dans une anecdote, raconte l'histoire de Caedmon, un berger qui ne savait pas chanter (« nescio cantare », déclare-t-il), mais rêve une nuit qu'il chante la Genèse, « principium creaturarum », le commencement des créatures (et il est encore question de création?) sous le coup de l'inspiration que lui insuffle un homme vu en songe. A son réveil, Faire de l'insomnie le moment d'une inspiration qui suscite illusion et théâtre nous paraît fort original et constituer le renversement d'une topique poétique qui traverse le Moyen âge 53, pp.320-349

, Uns estivaus forés d'ermine / Cauça desus por la caline, Continuations, op. cit., vv, pp.8323-8327

. Rappelons-Également-que-le-perlesvaus, . Dans-sa-branche, and . Viii, Une fois sur le rivage, le roi ne peut approcher à cause des flots : l'homme à la barre lui envoie un esquif et le roi monte à bord, trouve un homme étendu sur une table d'ivoire, qui se repose. Le roi retourne annoncer cet événement à Guenièvre. Le chevalier en question (Perlesvaus) arrive alors, récupère l'écu à la croix vermeille ainsi qu'un petit braque puis repart, pp.183-188, 1972.

H. Cf, . Braet, and . Rêve, Du référentiel à la sui-référence », I sogni, pp.11-24

I. X. Guillaume, . Poesie, . Pasero, and . Stem-mucchi, , p.125, 1973.

, Exsurgens autem a somno, cuncta quae dormiens cantaverat memoriter retinuit et eis mox plura in eundem modum uerba Deo digni carminis adiunxit 55

V. Bède-le, livre IV, chapitre XII, « Et quand il s'éveilla, il retrouva, de mémoire, tout ce qu'il avait chanté en dormant et y ajouta bien vite, sur le même rythme, Histoire ecclésiastique du peuple anglais, éd. Michael Lapidge, trad. Pierre Monat et Philippe Robin, tome II, 2005.