. Mythe-du-surhomme, de celui qui possède une vitalité et une capacité de jouissance plus importantes que le commun des mortels, et veut imposer sa puissance 23 . Volonté, volupté, orgueil, instinct, tels sont les points cardinaux de la personnalité du héros exceptionnel exalté dans ce livre. Un héros dérivé d'une interprétation partiale, polémique, Ulysse de Dante, et fortement teinté de l'Ulysse de Tennyson. L'invocation aux Pléiades s'ouvre avec ces mots, attribués à Pompée

G. Au-latin-qui-dit-feu, Gloire à lui sur toute la mer ! Ce cri d'ouverture, à la saveur blasphématoire, met sous le signe de l'héroïsme les navigations dangereuses qui défient la mort Suit une évocation complexe de montagne, de navire brisé, de dernière tempête, de figure divine Et c'est tout naturellement que surgit alors l'illustre silhouette de l'Ulysse de Dante, non plus le damné de l'Enfer expiant ses fraudes, mais un combattant altier, fier du massacre des prétendants de Pénélope et orgueilleux d'avoir bravé les interdits divins, un héros présenté avec des accents délibérément impies, dont la voix est qualifiée de « très sainte » et dont la geste dépasse, par sa virilité et sa force, celle du pâle et humble Galiléen que fut le Christ. C'est donc sous le signe de l'Ulysse de Dante que s'ouvre le premier livre des Laudi, avec cette exaltation de l'action à tout prix, de l'instinct qui pousse l'homme à naviguer, à explorer des zones inconnues, voire interdites. C'est de la même façon que le livre se terminera, par une incitation à reprendre la mer

. De-toute-Évidence, Ulysse de Dante un navigateur héroïque bravant les interdits avec la bénédiction de l'auteur (contraint de le damner, mais malheureux de le faire), c'est l'Ulysse de Tennyson que l'on sent derrière le souffle du poète exalté, l'Ulysse qui déclamait : Le port est là ; le vaisseau enfle sa voile [...] nous sommes ce que nous sommes : Des coeurs héroïques et d'une même trempe, Affaiblis par le temps et le sort

. Quoi-qu-'il-en-soit, dans le traitement de ce thème méditerranéen s'il en est, les Iles Britanniques ont joué un rôle d'importance. Si la source grecque est une base essentielle dont on ne saurait faire abstraction et si quelques heureux prolongements se sont vérifiés en France ou en Espagne, le développement du thème d'Ulysse s'est essentiellement alimenté d'apports italiens et anglo-saxons. Ces influences italiennes et anglo-saxonnes se sont nourries mutuellement, selon un processus dynamique lié non seulement aux échanges culturels entre les régions d'Europe, mais aussi aux échanges humains. Preuve, s'il en était besoin, qu'aucune culture ne saurait s'enfermer dans ses propres limites