D'un corps chez Yoshida Kijū. Le cinéma : du mouvement au déclenchement
Abstract
Le cinéma est l'art du mouvement : on l'a dit et redit, l'affaire semble entendue, comme si le mouvement à l'écran, le mobile ayant existé effectivement devant la machine analogique, allait de soi. Mais ne pourrait-on pas plutôt y voir l'art du problème que constitue pour le corps tout mouvoir (arrachement, commencement, engagement, effort, etc.) ? L'art de ce qui pose problème, et donc fait arrêt, avant tout mouvement, dans l'entame de tout mouvement, voire pour que le mouvement puisse tout simplement être ? Je voudrais dans les quelques pages qui suivent tester cette hypothèse : le mouvement sur l'écran fait migrer visuellement le problème mécanique et secret de son enregistrement (sa décomposition en photogrammes) et de sa restitution (sa reconstitution pendant la projection). Il en constituerait ainsi comme une sorte de proposition esthétique, éclairant ce qui, de tout corps en mouvement, butte dans le mouvement même, « au lieu de s'oublier dans la légèreté essentielle du sourire ». Où la question est ici abordée à partir de quelques propositions deleuziennes Gilles Deleuze et Félix Guattari le rappelaient en un énoncé lapidaire : « Le réel flue. » Une telle formule tire à l'eau de divers puits philosophiques et se tient à leur jonction nodale pour embrayer à partir de là. Au-delà du paradoxe, toujours reconduit, consistant à exprimer ce qui ne se fixe pas avec des mots (chosifiant), l'enjeu, qui traverse sous une forme ou sous une autre rien de moins que toute l'histoire de la pensée occidentale, est de taille : penser le réel sub specie durationis. C'est-à-dire le penser non pas comme un fait (sorte de ready-made primordial, self-ready-made pourrait-on dire) mais comme ce qui se fait, non pas comme ce qui est mais comme ce qui devient, non pas comme formes (détourées, murées) mais comme forces (déroutées, expansives).
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