, Qu'avons-nous ? Des Japonais, d'exécuteurs dans Vive la baleine, viennent prendre désor-mais, sous une autre forme, la place de victimes marines dans Level Five. Enfants, baleines : nous sommes invités à les rapprocher filmiquement. Mais pas à les identifier : les baleines ne sont pas des enfants, la mort d'une baleine n'est pas de celle d'un enfant, et il n'y a d'ailleurs dans Level Five aucune image d'enfant mourant. Pourtant, d'un film à l'autre, les images invitent à les rapprocher. Qu'ont-ils en commun ? L'innocence outragée, sans doute. Qu'est-ce que l'image d'un bouquet de fleur ? C'est l'image de la mort d'une baleine, c'est l'image infilmable de la mort d'un enfant, à quelques variations iconiques, phénotypiques près ; et inversement. Quelle pourrait être alors cette formule visuelle ensevelie, si ce n'est celle -imprésentable -qui fait de la baleine l'image de notre mort, et que Vive la baleine avait d'emblée dit très explicitement : « Chaque baleine qui meurt nous lègue, comme une prophétie, l'image de notre propre mort. » Nous ne pouvions pas alors soupçonner à quel point. Marker ne parle pas du trépas ni du décès, qui mettent fin à la vie, mais de la mort, qui met fin à la naissance -« Mourir est tout au plus l'antonyme de naître 38 » -; mort de qui ne se confronte pas au retour interminable à l'enfance, de qui ne récrit pas sa mémoire, de qui oublie qu'il est né ( c'est la définition de l'adulte) et que, partant, son destin n'est rien d'autre que l'impuissante vulnérabilité que figurent par excellence, -composition du cadre, angle des prises de vue, montage -très proche de la dernière partie de Vive la baleine avec ses plans de cruels harponnages par des baleiniers. Les enfants morts -imaginairement par les fleurs dans le sillon du navire -se superposent aux baleines agonisantes. Nous tenons là une nouvelle association étonnante entre enfance, fleurs et baleines, voire inconcevable si nous nous contentions de rapprocher ces deux moments pathétiques par leur ressemblance. Il faut plutôt les rapprocher pour, à partir d'un réseau de figures et de motifs concourants, les rapporter verticalement à un code figuratif crypté

C. Marker and L. Coeur, , p.168, 1949.