, cette expérience pourra prendre tout son sens ou mieux encore son sens comme sentiment d'être présent au milieu d'un monde intensément existant car vivant. Il s'agit du sentiment d'être immergé dans la vie de l'univers, d'être « une vague dans un océan sans limites » 22 , « une partie d'une réalité mystérieuse » 23 , de s'y dilater comme dans un grand autre et en une totalité qui pour nous submerger, nous excéder, ne nous est pas étrangère parce que nous en sommes, en tant que vivants, précisément des parties, des manifestations, des bruissements imperceptibles. Le sentiment océanique peut se définir alors comme le « sentiment d, Nous suggérons que face à la découverte de la présence de vie ailleurs dans l'univers ou à l'établissement de ses conditions de possibilité, p.24

, Il s'agit d'une abolition des frontières habituelles entre le soi et l'autre ou le Tout dans laquelle Romain Rolland voyait une structure universelle constitutive de la réalité humaine. Cette expérience, qui n'est pas celle d'un simple émerveillement devant la nature, dans lequel nous sommes et qui est en nous

P. Hadot, La philosophie comme manière de vivre. Entretiens avec Jeannie Carlier et Arnold I, p.27, 2001.

. Id,

M. Hulin, Aux antipodes de l'esprit, Paris, Presses Universitaires de France [« Perspectives critiques, pp.56-57, 1993.

, « Global Challenges Science Week. International Interdisciplinary Days of Grenoble Alpes

, Nous appartenons en ce sens, en tant que vivants, à un archipel cosmique de sorte que la conscience de la pluralité des mondes habités par la vie débouche sur l'appréhension de l'unité des mondes dans le monde enveloppant de l'univers ou du Tout. Sans distendre notre lien à la terre, l'expérience du sentiment océanique est de nature à renforcer notre sentiment d'appartenance à un tout plus grand, au cosmos en nous considérant comme les expressions singulières d'une totalité incommensurable à laquelle nous sommes d'autant plus unis qu'elle est empreinte de vie, qu'elle est habitée ici, ailleurs et peut-être partout par cette vie qui nous habite. Si tel pays est ma patrie en tant que citoyen, la terre peut être tenue pour la patrie de l'humanité en tant qu'espèce vivante, et l'univers pourra l'être comme celle de la vie dans son entier, Penser les implications de la découverte de la vie ailleurs : quels enjeux pour la société ? » partiel et partial sur le monde 25, vol.2

, Mais quoi que l'on découvre, ce que l'on pourra découvrir sera encore d'une certaine façon notre monde, si tant est qu'un monde est un ensemble dont toutes les parties, régions, zones ou phénomènes sont en relation aussi éloignées soient-ils dans le temps et dans l'espace. En ce sens, L'on pourra bien être stupéfaits par des découvertes totalement inattendues : vies identiques ou, à l'inverse, vies totalement étrangères aux formes et processus d'apparition imaginables, voire vies régies par des lois physiques ignorées et différentes des nôtres

D. and D. Lewis, selon la doctrine du réalisme modal exposée dans De la pluralité des mondes, isolés les uns des autres et du nôtre, sans superposition ni lien de causalité qui permettrait qu'un monde en produise un autre ou agisse sur lui 26 , mais aussi et surtout sans aucune distance spatiale ni temporelle qui les sépare du nôtre et entre eux. S'il y a d'autres mondes, ils sont nécessairement des mondes logiques et non physiques, des mondes radicalement isolés. Autrement dit un monde est un système indépendant et radicalement coupé de toute réalité extérieure

P. Hadot, La philosophie comme manière de vivre. Entretiens avec Jeannie Carlier et Arnold I, pp.158-159, 2001.

D. Lewis, De la pluralité des mondes, trad. de l'anglais (USA) M. Caveribère et, p.18, 1986.

, « Global Challenges Science Week. International Interdisciplinary Days of Grenoble Alpes

, « Penser les implications de la découverte de la vie ailleurs : quels enjeux pour la société ? » monde est imperméable, sans interaction avec d'autres mondes. C'est ce que nous comprenons en fait sous le concept d'univers. Descartes le remarquait déjà à l'article 22 de la seconde partie des Principes de la philosophie : ce n'est qu'improprement que nous parlons d'une pluralité de mondes pour une même réalité physique. La réalité physique de l'univers pris en sa totalité ne contient pas une pluralité de mondes, elle est le seul monde qui soit pour nous. L'univers est notre monde et nous sommes autorisés à nous penser, juin « Impacts sociétaux des recherches de vie extraterrestre et des travaux sur l'origine de la vie, vol.2

, d'un monde qui n'est pas plus celui que nous croyions qu'il était, un monde incommensurablement plus vaste, plus peuplé, plus divers ; et si d'autres vies capables de perception et de pensée s'y trouvent, il s'agira d'un monde polycentré. Quoi que nous réserve les découvertes à venir, il s'agira de nous rendre familière cette nouvelle idée du monde qui est bien le nôtre et non celle d'un nouveau monde, de nous réapproprier notre monde, d'en apprivoiser une nouvelle représentation. Et peut-être qu'un jour prochain, ou encore lointain, nous apprendrons que le terre n'est qu'une des régions de l'univers qu'habite une seule et grande humanité aux côtés de bien d'autres formes de vie encore inconnues, Si les exoplanètes et l'exobiologie nous ouvrent de nouveaux horizons, de nouvelles frontières ce sont celles de notre monde