, Ce qui intéresse Grasset est la surface de cette forme. « Stylisation » est pour lui équivalent « d'ornementation ». Grasset pense l'ornement en terme de supplémentarité : « Notre art ornemental n'aura de raison d'être qu'en donnant une impression de richesse, même avec les matériaux les moins coûteux, grâce à l'entente de la composition et à l'économie réalisée par les moyens mécaniques; c'est là ce qui le rendra populaire, et, si l'on veut absolument, humanitaire et social 41 .» Grasset se sépare de Viollet-le-Duc et de Ruskin qui méprisaient l'ornement simulé, le simili industriel. D'une certaine façon pourtant, en considérant que la beauté est ce qui s'ajoute à l'objet, Grasset retrouve Ruskin, Dès lors que l'ornement croit avec son support, il faut respecter la matière : « la matière, dit Grasset, impose, suggère des modifications relatives 40 ». La stylisation naît tout d'abord de la matière travaillée

, « Le peuple, ajoute-t-il, aime aussi le grand Art à sa façon et n'aimera guère vos mobiliers de prisonnier 43 . » D'ailleurs cet art n'a de social que le nom, entendu qu'il est « triste » et « inaccessible ». L'antithèse de l'art pauvre c'est l'art riche : « l'art, c'est la richesse de la forme ajoutée aux aspects purement utiles des objets. 44 » L'argument de Grasset se distingue de celui de William Morris en ce sens qu'il affirme la possibilité de produire mécaniquement l'ornement. La lutte contre l'ornement mécanisé chez Morris est liée au procès du « mode de production » de l'art industriel : ce n'était pas l'ornement en soi qui était condamnable pour Morris mais le gaspillage de temps consacré par l'ouvrier pour le réaliser. Le « grand capital » vole le « temps » à l'ouvrier, ce qui est intolérable pour Morris puisque l'industriel est finalement le seul à en tirer profit par le biais de la valeur ajoutée de l'objet orné. La valeur de l'ornement pour Grasset n'est pas fonction du temps de travail socialement nécessaire pour le produire. Son plaidoyer en faveur de la dépense d'ornement dans l'objet industriel n'a d'autre justification que symbolique : « l'art pour tous » c'est l'ornement pour tous. Dans l'esprit de Grasset, ce qui est moralement interdit à l'ouvrier ne l'est pas à la machine. La question est de savoir si la « stylisation » s'accorde pleinement avec le nouveau mode de production industriel. L'ornement naturaliste peut-il être reproduit ? peut-il se plier aux exigences de la mécanisation ? La réponse se trouve dans l'oeuvre même de Grasset qui ne se distingue, Un art industriel géométrique et orné Pour Grasset, c'est la machine qui appelle un nouveau regard sur la nature : la reproductibilité technique appelle la stylisation. Dans sa conférence sur l'Art nouveau, il pointe du doigt cet « art populaire et démocratique » et sa « volonté de caser le peuple dans une caste artistique à part, vol.42, p.15

. Grasset-1897a, , pp.182-183

. Idem, , p.193

. Idem, , p.194

. Idem, ajoutées à celles de la matière, produisent la fantaisie et l'irrégularité rationnelle, car sous cette irrégularité apparente se retrouve une logique implacable 50, p.193

, L'équivoque repose sur la distinction qu'il établit entre « l'utile laid » et « l'utile orné » : « on ne peut, dit-il, attribuer qu'à un rabougrissement maladif de l'esprit, le goût de l'utile pur et la haine de l'ornement 51 . » Car si Grasset est bien le partisan d'un style géométrique, celui-ci doit être « orné » : « Mais la formule simple de la géométrie n'est qu'un appui de l'idée ou de la décision à prendre, autrement c'est un absolu trop simple, trop pauvre intrinsèquement pour charmer nos yeux. Nous devons l'habiller pour en dissimuler la sécheresse 52 . » La pensée de Grasset indique alors toute l'ambiguïté qui a présidé au début du siècle à l'autonomie de la forme abstraite. Elle illustre bien sa filiation avec l'Art nouveau, et, plus avant, son attachement aux théories rationalistes (Viollet-le-Duc, Ruprich-Robert) et académiques (Blanc, Bourgoin) de l'ornement. Située au carrefour de ces deux conceptions, la Méthode de composition ornementale pose ce dualisme qui fera la fortune de l'Art déco, entre ceux qui considèrent que la beauté est ce qui s'ajoute, Et pourtant une contradiction pointe : on voit Grasset défendre un nouveau style géométrique indépendant de l'imitation de la nature et en même temps s'opposer aux nouvelles thèses rationalistes qui appellent l'éviction pure et simple de l'ornement

P. V. Idem,

. Idem, , p.3

P. Idem and . Xvii,