, Lurçat et Aubusson, l'appropriation d'une technique, l'écriture d'une légende, -1941

, Même si les commandes importantes du Mobilier National l'intéressent, il ne peut intervenir dans l'écriture textile des lissiers des Gobelins. Aussi, quand fin 1936, il lit un article sur les recherches de l'ENAD en tapisserie, Lurçat sollicite une rencontre auprès de Maingonnat 54 : Monsieur le Directeur, Je trouve dans le numéro du 13 novembre 1936 de Beaux Arts un article de Mr Emile Bayard sur les améliorations que vous apportez dans l'exécution des tapisseries Aubusson

P. Bertrand, , 2015.

D. Paulvé,

G. Denizeau, , pp.77-88, 2013.

, Sur ce changement de medium, Christian Derouet, p.52, 2016.

. Cf, Article de R. Froissart du présent ouvrage

, Marthe Hennebert et Jean Lurçat furent mariés de, 1924.

P. Courthion, «. Les-tapisseries-de, and J. Lurçat, Art & Décoration, août 1929, p.52

, Mention étonnante dans un courrier à son ami et collectionneur Catesby-Jones du 26 juillet 1936 : et dans 30 jours, j'espère vous annoncer (j'en discute les modalités) ma nomination comme directeur artistique d'une partie de la production des Manufactures de l'Etat », il cite Sèvres

M. Heng, , p.206, 1989.

, Pour la publication in extenso de cette lettre, p.233, 2016.

C. Lauer,

, Duplessis est alors hébergée Villa Seurat chez Lurçat, elle travaille indirectement pour le Mobilier National car elle assiste dès la fin 38 Marcel Gromaire pour son premier carton

, André Lhote devait s'y joindre, mais le projet ne se concrétise pas

M. Heng, , p.241, 1989.

, Interview de Marc Saint-Saëns à Ménestral, n° d, p.28, 1976.

. Mathias, , 2016.

. Denizeau, , pp.33-34, 2013.

D. Cité-par, , 2013.

. Denizeau, , p.97, 2013.

B. Mathias, , 2016.

B. Ythier, Lurçat réinvente l'histoire de son passage à Aubusson en donnant une interview en avril 1939 78 dans laquelle il s'attribue l'invention de la Rénovation, plongeant l'ENAD et Maingonnat dans les oubliettes de l'histoire ; Lurçat s'excuse maladroitement en mai 1939 par un courrier à Maingonnat, mais la confiance est rompue et les deux hommes se brouillent 79 . Marcel Gromaire n'apprécie pas la façon dont Lurçat résume ces années intenses et fécondes : (?) il eut été de bonne camaraderie de souligner les efforts parallèles et considérables qui ont été faits, dans les années écoulées, par d'autres que Lurçat, pour la renaissance de la tapisserie. (?) La justice et la vérité ne peuvent que servir 80 . Finalement, Lurçat dynamise en quelques années l'économie de la tapisserie française et son rayonnement international, il est nourri d'une énergie vitale hors du commun : vous vous rappelez ces magnifiques tentures de Saumur. Mon destin est sans doute, d'en réveiller en France, la vie. Je continue. Cinq minutes après ma mort, décors de peintres où Lurçat réinvente la tapisserie dès 1939, véritables lieux communs de l'histoire de l'art du XXe siècle 76

, Art Moderne est un succès public et critique (évidemment les travaux de l'ENAD n'y figurent pas !), elle est demandée par plusieurs grands musées internationaux 82 et circule pendant près de 15 ans à l'étranger ! Elle révèle au grand public cette « Rénovation de la tapisserie française » et constitue en cela une action militante 83 . Lurçat domine l'évènement avec 27 pièces 84 reflétant sa suprématie : en juin 1946, Gromaire a fait 11 cartons, Dubreuil une douzaine, Saint-Saëns 17 cartons et 39 tissages 85, De juin à juillet 1946, l'exposition la tapisserie française du moyen-âge à nos jours au Musée National d

, Autour d'elle, s'agrègent Dubreuil, Gromaire, Lurçat, Dom Robert et Marc Saint-Saëns. Jean Picart le Doux, Jacques Lagrange les rejoignent ensuite, et dès 1945, ce collectif est dénommé « groupe Majorel ». La mobilité de la tapisserie rend aisée la production d'expositions, y compris à l'international. Michèle Heng a bien montré le parallèle entre le groupe des artistes des réalisations murales de l'exposition de 1937 et le « groupe Majorel » future Association des Peintres Cartonniers de Tapisseries, sa rencontre avec Denise Majorel en 1944 87 permet de l'organiser, 1965.

. Cf, article précédent par Rossella Froissart

L. , , 2016.

, Voir l'analyse de Pierre Vaisse, pp.211-218, 2016.

, Lettre du 2 septembre 1939, Cité internationale de la tapisserie

. Contamin, , p.63

, Pour comprendre son « historiographie biaisée », voir Froissart, 2016.

G. , , p.162, 2016.

. Heng, , pp.711-761, 1989.

O. , Contamin montre qu'entre 1959 et 69, Tabard tisse 1707 tapisseries tissées. 695, soit 40%, sont de Lurçat, 1966.

. Heng, , p.76

F. Apct and . En, avec Lurçat comme président, Saint-Saens et Picart-le-Doux vice-présidents, 1947.

, Denise Majorel s'associe avec Madeleine David et fonde la galerie La Demeure qui promeut la tapisserie française rénovée, 1950.

A. Beaudin, M. Degand, E. Gilioli, and H. Guérin, Il y a toute la France à rebâtir, des mairies, des écoles, des maisons du peuple, des palais, des kilomètres de murailles froides qui attendent qu'on les réchauffe (?) 89 . Dès 1951, il est décidé de consacrer 1% des travaux de construction de chaque bâtiment public à la création d'oeuvres d'art 90 , la tapisserie en bénéficie. La construction du palais de justice de Lille par Jean Willerwal et Marcel Spender entre 1958 et 67 constitue la plus importante commande d'un décor tissé pensé par l'architecte avec le bâtiment. Marie Cuttoli 91 aide au choix des neuf créateurs sollicités, La tapisserie devient un phénomène culturel incontournable, musées et galeries se complètent pour valoriser cet art

M. Prassinos and . Lurçat, a écrit les plus beaux textes sur la technique du carton numéroté : Puisque le peintre ne tisse pas lui-même, il lui faut proposer à la main savante qui le fait pour lui, la plus précise des dictées. Qu'il soit bien établi que je ne vois pas d'antinomie entre précision et lyrisme. Quoi de plus précis que la musique ? (?), vol.92

Y. Signalons-rené-perrot, R. Millecamps, M. Wogensky, G. Tourlière, A. Singier et al., Jacqueline Duhème ou encore le designer Mathieu Matégot, Maurice André, Camille Hilaire, etc. Le travail de Jacques Adnet, directeur de la Compagnie des Arts Français depuis 1928, est éclipsé 93 par le mouvement des peintres cartonniers, laissant dans l'ombre ses tissages d'artistes comme Arbus, Brianchon, Despierres, Oudot. Seul Lucien Coutaud connaît la notoriété avec ses nombreuses tapisseries inspirées et poétiques. Le cas de Marc Petit, est l'exemple d'un artiste resté dans l'ombre de Lurçat et ses proches compagnons : ce brillant peintre et dessinateur est lauréat du concours de la jeune peinture en 1954. Cette année là, De plus en plus d'artistes viennent à la tapisserie

, Il rencontre en 1962 le galeriste Jacques Verrière qui le place sous contrat. Petit réalise plus de 500 cartons et au moins 2 000 tapisseries tissées par les ateliers Picaud puis Pinton, il réalise des tapisseries lyriques où la stylisation des motifs laisse une large place à de vastes champs poétiques

, Entre 1946 et 1950, Georges Fontaine veut des artistes prestigieux et invite Henri Matisse 95 dont La femme au luth est tissée aux Gobelins et la tenture en deux pièces Polynésie à Beauvais, Les administrateurs du Mobilier National changent et influent sur l'institution : Guillaume Janneau est écarté à la libération 94, 1960.

. Roy, , p.55

, Contamin recense 110 tapisseries financées ainsi dans la période, pp.1959-69

, Merci à Michel Degand pour cette information

. Prassinos, Graphis, pp.432-436

, Dès les années 30, il participe aux recherches sur la Rénovation de la tapisserie

, Rossella Froissart « Avant-garde et décor en France dans l'entre-deux-guerres, Lectures critiques autour de Guillaume Janneau, 2011.

T. Matisse, , pp.37-46

, Merci à Thomas Bohl pour ses informations

, « l'avant-garde tardive, La tentation des Gobelins, catalogue d'exposition, 1992.

. Denizeau, , 2015.

, Créé par Robert Rey en 1946, il fusionne avec l'ENAD en, 1951.

, Cf. l'article de Françoise Ducros dans le présent ouvrage

, Archives Baudouin, Cité internationale de la tapisserie

, Courrier au directeur de BASF reproduit par Mathias, pp.94-95, 1987.

. Masson, . Kandinsky, L. Léger, and . Corbusier, Il y dirige d'exceptionnels tissages d'artistes. La galeriste Denise René s'engage dans cette troisième voie de tissage pour ses tapisseries d'artistes géométriques et d'art optique qu'elle défend depuis 1944. Victor Vasarely réalise les cartons par agrandissement photographique des maquettes 103 que Tabard tisse. En 1952, l'exposition 12 tapisseries expérimentales exprime l, Il expérimente en 1960 des tapisseries d'artistes de petit format remarquées par André Malraux qui le fait nommer au Mobilier National

. L'essaimage,

, Cette troisième voie initiée par Baudouin fait des émules, qui cherchent à concilier indépendance du lissier et respect de l'oeuvre ; peu avant 1950, éclosent de nouveaux ateliers : Jacqueline de La Baume Dürrbach ancienne élève d'Albert Gleizes a appris la tapisserie d'un aubussonnais installé à Paris. Avec son mari, l'artiste René Dürrbach, elle tisse Gleizes, Herbin, Léger, Villon, etc. pour qui la dimension murale est importante, 1951.

J. Plasse-le, Caisne et son épouse sont deux tisserands parisiens, leurs tissages surprennent car ils emploient des armures textiles variées et laissent apparaître les fils de chaine. Ils tissent Bazaine, Rouault, Braque, Zao Wouki et surtout

, Elle tisse de nombreux artistes dont Bazaine, Deyrolle, Bloc, Jean Bissière, etc. Pour Denis Doria, ses tissages sont surprenants

, Encouragée par Marie Cuttoli, elle utilise un carton chiffré particulier indiquant tant les couleurs que les techniques de tissages très variées qu'elle emploie. Elle tisse de somptueuses tapisseries pour Chagall, Picasso, Ernst, Brassaï, etc. Des commandes du monde entier favorisent cet essaimage. En 1962, grâce à Marie Cuttoli, la manufacture Pinton de Felletin tisse le Christ en gloire de Graham Sutherland pour la Cathédrale de Coventry 105, En, vol.106, 1961.

. Le-«-choc-»-de-lausanne,

, Méthode utilisée en pionnier par Man Ray dès 1938 et les Gobelins en 1946 pour La femme au luth d'après Henri Matisse

. La, , 1991.

, Considérée comme la plus grande tapisserie de lisse au monde

, Alors que cesse enfin l'itinérance internationale de l'exposition de 1946 ! 107 Contamin, pp.63-64

, Ils ambitionnent une grande rencontre internationale de tapisserie murale : la première biennale de Lausanne ouvre ses portes en 1962 avec 57 oeuvres de 17 pays. Immédiatement, la section française autour de Lurçat et ses amis apparait comme vieillie par rapport aux innovations étrangères : L'esthétique du décor de laine reste souvent tributaire du postsurréalisme, ou d'une abstraction ou d'un symbolisme sage 109 . La biennale est un succès et Pierre Pauli prévoit une deuxième édition plus ouverte (décalée à 1965 en raison de l'exposition nationale suisse en 64) sur les plans artistiques et techniques. Une note du 10 mai 65 de Pierre Pauli, directeur de la biennale (dont Lurçat est président) fait monter la tension avec les artistes cartonniers français car l'objectif est de laisser une part importante aux nouvelles techniques de tapisserie. La réaction est violente et Lurçat envisage avec toute la section française de se retirer ; « méfiez-vous des petites filles qui tricotent 110 » dit Lurçat d'artistes polonaises qui tissent elles-mêmes leurs créations. Les artistes français vivent mal l'accueil fait aux lissières-créatrices traçant leur carton elles-mêmes (quand elles en emploient un !) et le tissant avec de gros matériaux

T. Majorel, . Prassinos, and . Picart-le-doux, Ces biennales ébranlent les certitudes : la « querelle de Lausanne » (?) remet en cause les fondements mêmes du métier, le sens du carton, la place du licier, le rôle du créateur 112 . La France voit alors une nouvelle vague de création d'ateliers indépendants : Claire Rado est une ancienne de l'ENAD d'Aubusson qui fonde en 1964 son atelier et lui donne le nom de sa ville

, En avril 1968, il ouvre l'Atelier de Saint-Cyr, avec 6 lissiers venus d'Aubusson. Leur pratique du tissage passe par la recherche de la personnalité de l'artiste, ils s'octroient une grande liberté d'exécution. Daquin mène une réflexion originale sur les techniques de tissage elles-mêmes. Son atelier tisse de grands noms, Klee, Picasso, Ubac, Gleb, Vasarely, etc. L'exposition de Daquin à la Demeure en 1970

, L'arrivée à Paris dès 1964 de l'américaine Sheila Hicks dans son « atelier des grands Augustins », amplifie le vent de liberté qui souffle en France autour du textile. Présente à Lausanne dès 1967, elle figure avec Daquin cette Nouvelle Tapisserie qui bouleverse technique, structure, texture

H. Dirigé-par-le-suisse-paul and . Jaccard,

P. M. Grand, Le Monde daté du 27 juin, cité par M. Heng, p.120

, Titre de l'article de Giselle-Eberhard Cotton, 2016.

, Aubusson, vol.112, p.350

, Catalogue d'expo Angers 114 O. Contamin, p.133

, On lui doit plus de 1000 pièces, de ses propres oeuvres et pour plus de 120 autres artistes. Il dépose en 1964 un brevet pour faire des panneaux textiles avec de la laine collée et cousue, il dénomme sa technique les "tapisseries nouvelles". Il « tisse » ainsi des cartonniers comme Wogensky, Fumeron, il réalise des tissages exposés à Lausanne lors des biennales de, 1967.

. Le-6-janvier-;-delaunay, . Gilioli, . Mortensen, and ). Estève, En 1969, la France ne présente plus à Lausanne que des artistes abstraits (le projet de Dom Robert est rejeté 117 ), Lurçat décède laissant son « Chant du monde » inachevé. La troisième biennale, 1966.

, Ainsi Louis-Marie Jullien passe au milieu des années 60 d'une figuration évoquant Lurçat à des monochromes enrichis de recherches de textures merveilleusement servies par l'atelier Legoueix

T. Kalman and . Gleb, après une série de grandes toiles à Royaumont en 1960 sur les 12 tribus d'Israël, rencontre Pierre Daquin en 1963 à Beauvais. Daquin tisse son premier grand disque en 1968 et recherche une sublimation de la laine

. Lausanne, En France la place des femmes se développe tant comme cartonnières, créatrices d'ateliers que galeristes : Suzy Langlois crée en 1967 le centre d'art mural dédié à l'art textile

M. Dans-cette-période-très-tourmentée, . Tourlière, and . Nommé-directeur-de-l'enad-en, Il porte pour Aubusson un projet d'agrandissement et renforcement de l'école 118 dont les travaux de reconstruction durent de 1967 à 69. Il repense la pédagogie, l'ouvre fortement aux pratiques d'adaptation avec Baudouin, développe une collection de tapisseries d'artistes (Braque, Singier, Gischia, etc.), accueille des stagiaires artistes diplômés d'écoles d'art des 5 continents, 1961.

. Au-mobilier-national, ;. Jean, . Perrot, . Bleynie, . Hilaire et al., En 1969, il expose une sélection d'oeuvres de la 4 ème biennale de Lausanne dans le bâtiment du garde-meubles (81 pièces de 26 pays), et organise au même moment l'exposition 25 ans de tapisserie française dans la galerie des Gobelins. Il y présente la diversité des artistes cartonniers et des tapisseries de peintres. Il adjoint aux ateliers de fabrication un atelier prospectif de recherche. Coural s'engage dans de vastes projets tant de tissage de peintres cartonniers que de tapisseries d, Coural nommé en 1963 119 tente une synthèse entre les différents courants : à côté de la production interne, il donne d'importantes commandes à Aubusson

M. and G. , Ebherard-Cotton et Magali Juniet de la fondation Toms Pauli à Lausanne d'avoir attiré notre attention sur cet atelier

A. Dupuis, 40 ans de Tapisserie, 2004.

. Contamin, , p.368

. Jusqu'en, , 1992.

E. Mathieu, L. Pierre-;-et-la-femme, . Corbusier, and . Beauvais, Un atelier de tissage municipal est créé en 1965 au sein de l'Ecole d'art, suivi par la création de l'ATA, atelier de tapisserie d'Angers. La ville développe une politique de commandes de tapisseries d'artistes. Dès 1975, le festival d'Anjou réunit des acteurs internationaux de la « nouvelle tapisserie » et accueille à l'abbaye du Ronceray des stages d'artistes textiles du monde entier, les oeuvres produites seront ensuite transférées au « Musée Jean Lurçat et de la tapisserie contemporaine ». Parachevant la volonté municipale, cette nouvelle institution est installée à côté du Chant du Monde. L'activité y est intense et le musée reçoit les donations Thomas Gleb puis Josep Grau Garriga. Des ateliers privés s'installent dans la ville, mais les crises des années 1990/2000 occasionnent leur fermeture des ateliers et l'arrêt des commandes publiques. Seuls le musée avec sa dynamique d'exposition, les triennales des minitextiles imaginées par Pierre Daquin et l'atelier textile de l'école des Beaux Arts maintiennent la créativité, Angers émerge comme place lissière en France par la volonté politique déterminée de deux maires successifs pourtant divergents sur un plan politique : Jean Turc puis Jean Monier, pp.1960-70

, Autour de l'universitaire Michel Thomas, se met en place l'équipe de Driadi, revue publiant des articles de fond sur l'art textile et ses acteurs, relatant l'actualité du domaine. La revue est publiée de 1976 à 1981 où elle devient Textile Art, Emergence puis déclin de l'art textile L'esthétique surprenante et puissante de la Nouvelle tapisserie, démode en quelques années la tapisserie « rénovée » des décennies précédentes 123

. Denizeau, , pp.139-153, 2015.

. Froissart,

. Hedlund, , p.67

. Jarry, , p.177, 1974.

, Aubusson tangue : si de grands ateliers comme Tabard puis Goubely, voire des manufactures comme Braquenié, ferment. De petits ateliers ouvrent, créés par des femmes qui apportent une créativité nouvelle. L'ENAD commence à hésiter quant à ses orientations pédagogiques. Un Musée de la tapisserie voit enfin le jour en 1981 grâce à la volonté d'André Chandernagor et Michel Moreigne. Si l'activité et le nombre de lissiers décroissent, Aubusson ne renonce pas et des plans de relance sont organisés. Les plans Lang puis Léotard, dans les années 1980, comportent notamment des systèmes d'avances financières remboursables sur tissage ou encore des bourses du Ministère de la Culture 125 pour susciter de nouvelles vocations d'artistes cartonnier tels Daniel Riberzani ou Régine Graille, 1981.

, Un arrêt brutal des activités de l'ACT de Danièle Molinari au sein du MAMVP en 1988 127 , l'arrêt des biennales de Lausanne en 1995, le désintérêt du monde artistique, et de l'enseignement tourné vers la « pédagogie du projet » au détriment de l'enseignement des techniques et savoir-faire, montrent en fait un éloignement rapide des médiums textiles. La crise semble profonde et inexorable, renforcée par l'arrêt des commandes du Mobilier National à Aubusson à partir de 1993. En 1998, l'ENAD d'Aubusson délivre sa dernière promotion de BMA Arts de la lisse et ne forme plus de lissiers. La tapisserie d'interprétation telle que la concevait Aubusson peut disparaître ; et il en est de même en Provence, à Paris et à Angers où la plupart des jeunes ateliers créés ferment, à l'exception de l'Atelier 3. A travers la France, demeurent un mouvement d'artistes lissiers-créateurs qui développe une production régulièrement exposée encore aujourd'hui à travers le European Tapestry Forum, Le 15 janvier 1983, Denise Majorel cesse ses activités de galeriste 126 , signal d'une crise profonde ? Après le départ de Michel Thomas vers d'autres horizons professionnels, l'équipe bénévole de

, Aubusson montre une étonnante capacité de résilience ; la profession se replie sur l'excellence de ses savoir-faire ; une lissière d'exception, Giselle Brivet, est nommée maître d'art. Des aventures collectives sont menées avec en 1989, lors du bicentenaire de la Révolution française, la tenture des droits de l'homme portée par Jacques Fadat sur des maquettes de Richard Texier, 1999.

D. Molinari, , 2013.

L. Godard, , 2014.

, Revue Perspectives, article de Rossella Froissart et XX

, Stéphane Calais, Roman Opalka, etc. La démarche s'inscrit dans un travail plus large sur le textile présenté par l'exposition itinérante Métissages. Certaines tapisseries poussent les lissiers à l'innovation. Ainsi, pour Joies de Françoise Quardon [Ill.], le lissier Patrick Guillot mobilise un jeu de textures subtiles, le tissage rapide à gros grain du fond vert permet de dégager du temps pour les figures fines. Gérard Crinière et Bernard Petit créent l'atelier Courant d'Art qui s'illustre par de beaux tissages de Fabrice Hybert ou Philippe Amrouche, etc. La manufacture Pinton tisse l'égyptien Ahmed Moustafa, Après son départ des Gobelins, où il était lissier, l'inspecteur à la création artistique Yves Sabourin, crée un nouveau dispositif de commandes publiques pour interpréter des artistes à Aubusson : Gérard Garouste

, La Cité porte le fonds régional de création de tapisseries contemporaines concrétisé annuellement par un appel à projets international ou des commandes en partenariat. Les tapisseries tissées depuis 2010 sont originales, parfois décalées et communicantes : l'oeuvre d'Olivier Nottellet [ill.] servie par le remarquable travail d'interprétation de Bernard Battu. La Peau de licorne de Nicolas Buffe, Le bain de Marchalot et Fortuna. De jeunes créateurs reviennent au médium : Mathieu Mercier [ill.], Bina Baitel, Marlène Mocquet, Eva Nielsen, etc. Développant une réflexion sur les rapports entre image et tissage, la Cité travaille avec Clément Cogitore et achève une pièce exceptionnelle Pieta for world war one sur une maquette de l'allemand Thomas Bayrle commémorant le centenaire de la première guerre mondiale destinée à l'historial franco-allemand du Hartmannswillerkopf. Prospectant des marchés nouveaux pour les ateliers privés de la région, la Cité engage une collaboration avec El-Seed. L'édition d'une mini-collection de 6 meubles a été déléguée au studio Ymer & Malta où la directrice Valérie Maltaverne travaille avec la jeune garde française du design. La Cité engage dès 2017 le tissage d'une grande tenture narrative à sujet littéraire à partir de 14 dessins de JRR Tolkien pour le Hobbit ou Le seigneur des anneaux. Le secteur privé profite de la dynamique de communication mise en oeuvre par la Cité et développe ses propres stratégies : la manufacture Robert Four s'engage dans la grande décoration avec par exemple Vincent Daret, la manufacture Pinton tisse des tapisseries commandées notamment par la section Art d'Amnesty international ou l'artiste Etel Adnan. Des innovations techniques s'observent : sur un brevet de Marc Téhéry, ancien professeur de l'ENAD, la société Néolice fabrique une tapisserie mécanique pilotée par commande numérique et tisse pour Damien Deroubaix [ill.] ou Françoise Petrovich entre autres. Après l'effondrement du nombre d'ateliers passant de 16 à 4 entre, Aubusson bénéficie en 2009 de l'inscription des savoir-faire de sa tapisserie sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'Unesco. Pour les collectivités territoriales, c'est un encouragement à réaliser un nouvel équipement La Cité internationale de la tapisserie mêlant culture et économie. Elle prend place dans les locaux de l'ENAD (fermée en 2011) et comprend un musée totalement rénové et repensé, une salle de formation où est de nouveau dispensé un Brevet des Métiers d'Art, une bibliothèque-centre de ressources, des ateliers pour le tissage et des textiles innovants, un atelier de restauration décentralisé du Mobilier National, vol.6, 2000.