D. C'est-là-un-sujet-que, Fo a traité au masculin dans deux monologues du spectacle Fabulazzo osceno (Fabulages obscènes) : Lucius e l'asino (Lucius et l'âne), réécriture du Lucius ou L'Âne de Lucien de Samosate et de L'Âne d'or d'Apulée, et Arlecchino fallotropo

, Nous voulons mentionner une étude fort intéressante menée par Nicole Loraux dans Les enfants d'Athéna. Idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes, 1990.

. Folles-À-lier, Le premier est bien évidemment la spécificité de l'écart par rapport à la fable d'origine. Si l'intérêt d'une réécriture réside dans la distance qui sépare l'hypertexte de l'hypotexte, avec Franca Rame nous avons quasiment un renversement des fables d'origine, souligné par la réduction de la longueur du texte qui cible le récit sur cette différence. Le Journal d'Ève présente une femme supérieure par nature à l'homme mais sur le, Renverser pour que triomphe la raison Même si au départ ils n'ont pas été conçus pour un

, Marie au pied de la croix met en scène une Vierge violemment révoltée contre le messager de Dieu qui l'a trompée

, Ce renversement est dans la ligne de toute la production du couple Dario Fo -Franca Rame. Le premier véritable spectacle de la carrière de Fo s'intitulait Il dito nell'occhio (Le doigt dans l'oeil) et, racontant en une série d'épisodes comiques l'histoire de l'humanité, mettait « le doigt dans l'oeil » à l'histoire et à la culture officielles, proposant, sous forme humoristique, une histoire présentée d'un point de vue différent

, Le monologue consacré à Médée débute et se poursuit sur la confrontation entre la « raison » incarnée par la plus âgée des femmes et la « folie » de Médée qu'elles veulent ramener au « bon sens » ; et c'est en prenant appui sur l'idée de folie que Médée fait sa fausse confession à Jason, puis la renverse (« Je pensais ces folies, Jason? Je pensais ces folies? Et je les pense encore ! »). Enfin, Lysistrata est traitée de folle par les femmes devant qui elle développe son raisonnement monstrueux mais cohérent sur la guerre. Dans les quatre monologues Franca Rame, fidèle à la tradition scénique du couple, introduit ce que Fo appelle le « ribaltone », le renversement de situation, le coup de théâtre brutal qui relance l'intérêt du spectateur et le questionne tout en délivrant le message -ou une, Dario Fo s'intitulait Sani da legare (Sains d'esprit à lier), introduisant d'entrée l'idée que le monde dans lequel nous vivons est fou et que ceux qui le contestent, considérés comme fous, sont en réalité les plus lucides. Les quatre figures féminines de Franca Rame en attestent. La première, pp.166-169, 1981.

, Cf. à ce sujet nos articles : Réécritures humoristiques du Risorgimento : Dario Fo (années 50

. Italies, revue aixoise d'études italiennes, n°15, L'envers du Risorgimento, pp.195-212, 2011.

. Partie-du-message.-le-journal-d'ève-finit-sur-une-joyeuse-célébration, ;. Seigneur, . La-révolte-de-marie, and . Le-christ-ne-peut-l'entendre-;-c'est-sur-le-mot-«-folies, que Médée renverse brutalement le discours faussement contrit qu'elle a tenu à Jason ; le raisonnement extrême sur la guerre que Lysistrata a développé s'arrête au point critique où les femmes ne veulent plus l'écouter et s'en vont, si bien qu'elle lance le sujet contraire dont elle les entretiendra, l'amour, sujet qui à son tour s'articulera sur une série de « ribaltoni » qui aboutiront à la dérision finale. Le dernier point commun dont nous devons parler est la distanciation opérée soit par le comique, soit par l'abaissement du niveau de langage quand le sujet est particulièrement tragique. Le Journal d'Ève, de par son thème et la façon dont il est traité, est un divertissement aux dépens des messieurs et de la morale cléricale et n'implique pas d'émotion particulière. L'humour noir fait de Lysistrata un texte franchement comique, de même que, comme dans l'hypotexte grec, le langage familier plus que débridé 30 . Qu'en est-il des deux autres monologues qui, eux, ne sont en rien comiques ? En dépit de ce qu'affirme Franca Rame dans le prologue de Médée -que malgré les centaines de fois où elle l'a récité ce texte toujours la « prend aux tripes » -ces textes de font pas « larmoyer » le spectateur. Il s'agit dans les deux cas d'une double réécriture, puisque les deux monologues sont au départ des textes médiévaux populaires de la Passion et de l'histoire de Médée, reproduits dans une langue idiolectale (un mélange de dialectes anciens) que la traduction française ne peut rendre. S'agissant de Marie, aujourd'hui, non seulement le décalage à un niveau de langage familier (sans doute pathétique pour un spectateur médiéval) entame quelque peu le tragique de la situation, mais encore, en langue originale, l'usage du dialecte ajoute une touche supplémentaire (forte) de distanciation. Il en est de même pour la figure de Médée. Le résultat est que, même si l'on est touché par ces deux monologues

. Contre-histoire-ou-histoire-détournée, tels sont les procédés par lesquels le couple d'auteurs-acteurs a toujours suivi pas à pas l'actualité politique et sociale et l'a reproduite sur scène. Les monologues de Franca Rame qui dénoncent et plaident la cause des femmes vont dans le sens du mouvement féministe mais sans tomber dans les dérives que les féministes n'ont pas toujours su éviter. Il convient donc de ne pas se méprendre sur la portée des textes en opérant une trop rapide assimilation : Franca Rame milite pour l'égalité entre l'homme et la femme dans l'optique d'un combat commun pour une société meilleure, non pas pour une guerre des sexes et un renversement 30 Signalons néanmoins que le thème de Lysistrata fait apparition sur le mode sérieux dans une comédie récente du couple, mettant en scène Silvio Berlusconi, L'anomalo bicefalo, 2004.

, Je n'aime pas la tragédie parce qu'avec le drame, le désespoir, l'angoisse, on obtient à la fin un effet libératoire de catharsis : les larmes coulent et, roulant sur le visage, elles effacent tous les ferments de la raison, alors qu'avec la satire, par le rire, on ouvre grand la bouche, mais en même temps le cerveau aussi s'ouvre tout grand et les clous de la raison s'enfoncent au fond du crâne et n'en sortent plus, Rappelons la formule très souvent citée, et réitérée à la fin du prologue de la dernière comédie publiée, L'anomalo bicefalo, avec cette fois une attribution à Molière : « Molière disait, p.10, 2006.