. Ils, Apartheid en tant que chrétiens africains : que c'est une politique de total égoïsme de la part des Blancs et que ce que les Nationalistes prétendent appeler les avantages de l'Apartheid pour les non-Blancs n'est qu'un paquet d'illusions. Ils pouvaient par ailleurs nous montrer que l'Africain moyen sans instruction n'a pas besoin d'un « agitateur communiste » ou d'un « kafferboetie

G. Mabille, . Centre, and . De-wilgespruit, , p.41

G. Mabille and U. Noir-+-un-blanc-=-une-Équipe, , p.111

G. Mabille, . Centre, and . De-wilgespruit, , p.48

. Ibid,

W. A. Visser't-hooft, Le mouvement oecuménique et la question raciale, Unesco, vol.75, p.99, 1954.

G. Mabille, . Centre, and . De-wilgespruit, , p.9

F. Mabille and . Défap,

G. Mabille, . Centre, and . De-wilgespruit, , p.17

, soulignant que leur mère venait d'une famille d'artistes dans laquelle on pouvait prendre le temps de s'amuser, alors que du côté de leur père se manifestait une certaine rigidité : il était strict et exigeant, voire parfois autoritaire; il lui arrivait ainsi de prendre ses fils par le haut du bras, en serrant un peu pour les amener là où il voulait (au sens physique et symbolique du geste). Christian raconte: Il y avait cette rigueur et cette rigidité protestantes. Je me souviens de cela. Un exemple, une fois : j'étais à la maison à Kensington South sur les figuiers, près de la cuisine, avec un copain on mangeait des figues

. Christian and . De-notre-entretien, une sinécure ! Le missionnaire doit aussi savoir tout faire, jusqu'à arracher les dents de ses paroissiens pendant ses tournées afin qu'ils ne soient pas « mangés par leurs dents », comme on le disait au Lesotho en cas de problèmes dentaires ! La question que la microhistoire pose est de savoir ce que l'étude d'une unité (ici, le pasteur Mabille et sa famille) peut apporter à l'histoire globale. L'une des réponses possibles est suggérée par l'historien finlandais Matti Peltonen lorsqu'il écrit qu'un « détail étrange peut représenter un total plus large 95 ». Autrement dit, l'étrangeté de l'attitude de Georges Mabille (et de ses amis de Wilgespruit) qui ne se conforme pas aux lois de son pays d'accueil, l'Afrique du Sud, peut être perçue comme un élément métonymique de la constellation, minoritaire certes, mais réelle, des opposants au régime d'apartheid. Autrement dit, si sur le plan microhistorique Georges Mabille n'est qu'un cas particulier dans le cadre de l'Afrique du Sud du temps de l'apartheid, sur le plan macrohistorique il n'en fait pas moins partie de l'ensemble de tous les êtres humains qui ont uni leurs forces pour déstabiliser et in fine abattre ce régime. Dans ce cadre, on peut également faire des observations sur le cas microhistorique de Georges Mabille, afin d'apporter des réponses, sur un plan macrohistorique, à la question posée au sein de la Mission de Paris depuis le début de la mission au Lesotho : les pasteursmissionnaires doivent-ils faire de la politique Lorsqu'il assiste au jubilé de la mission du Lesotho à Morija, le 24 avril 1883, le pasteur Alfred Boegner, directeur de la Mission de Paris, répond en partie à la question. Ce jour-là, il écoute, admiratif, Adolphe Mabille (gendre d'Eugène Casalis) qui essaye avec éloquence de convaincre les Sotho de rester sous la protection de la Couronne britannique. Cette scène inspire à Alfred Boegner la réflexion, le monde bougeait autour de lui, et sa rigueur pouvait être mal perçue. Comme toujours, il faut situer les choses dans leur contexte. À la décharge du pasteur Mabille, on peut dire que la responsabilité de missionnaire est lourde, et l'engagement dans une activité missionnaire auprès des Noirs sud-africains au sein de l'apartheid n'a rien d, p.145

R. Entretien-avec, C. Mabille, C. Mabille, and . Mabille, Carcassonne, le 5 juillet 2019, de 10h à 16h

P. Matti and . Clues, Margins, and Monads. The Micro-Macro Link in Historical Research, History and Theory, vol.40, p.349, 2001.

, Ces paroles concernant son grand-père peuvent sans nul doute s'appliquer à Georges Mabille qui a fait de la mission au sens le plus élevé du mot en se rangeant du côté de ses frères sotho, mais aussi de toutes les victimes de l'apartheid. Frédéric Fabre souligne que dans les premiers temps la Mission de Paris est timorée par rapport à l'apartheid. Il est vrai que critiquer les protestants de la NGK, qui pour certains descendent des Huguenots exilés dans les Provinces-Unies (actuels Pays-Bas) et l'Afrique du Sud après la révocation de l'Édit de Nantes en 1685, risque de se révéler contre-productif. De même, s'opposer au gouvernement d'apartheid qui est officieusement dans le camp du bloc de l'Ouest pendant la guerre froide signifie aider les communistes qui soutiennent les indépendances et le combat pour la liberté des Sud-Africains noirs, mené par l'ANC. Il faut attendre 1977 pour qu'enfin le Journal des missions, bulletin officiel de la Mission de Paris, commence à critiquer l'apartheid de manière plus marquée, en dénonçant en particulier les conditions déplorables de vie et de travail des mineurs noirs 97 . Frédéric Fabre accorde cependant une place particulière à Georges Mabille : ce dernier a lutté plus farouchement contre l'apartheid, parce que « lui était sur le terrain 98 ». Fabre le désigne comme un héros/héraut en concluant sans ambiguïté son chapitre sur l'attitude réservée de la Mission de Paris : « Mais des réactions étaient déjà venues depuis longtemps d'un homme au caractère bien trempé, Georges Mabille 99 . » On le voit, ce dernier est distingué des autres missionnaires en Afrique du Sud. Olivier Raoul-Duval, actuellement pasteur de l'Église protestante unie de France, se souvient de Georges Mabille, qui fut son paroissien dans l'Église réformée du Coutach (Sauve-Quissac dans le Gard) 100 et dont il présida, le 5 décembre 1998 au temple de Sauve, le culte d'action de grâce célébré suite à son décès. Il le décrit comme « un homme passionné et passionnant jusqu'au bout 101 ». Claire Casalis se rappelle, quant à elle, que dans les derniers mois de sa vie, son père était tellement impliqué par sa foi dans sa mission au Lesotho et à Johannesburg, et, peut-on sans doute dire, imprégné de son passé, qu'il ne parlait plus que sesotho. Ses enfants avaient autrefois parlé cette langue mais l'avaient en partie oubliée, aussi lui demandaient-ils de parler français, Boegner souligne ensuite que ce jour-là Adolphe Mabille est pâle et visiblement ému, il s'est exprimé avec force, et l'image qui lui reste est celle d'un messager de la miséricorde céleste ayant pour mission de prévenir encore une fois ce peuple tant aimé

B. Alfred, . Quatrième, and . Du-directeur, Le grand siècle d'une mission protestante, Journal des missions évangéliques (1883), vol.12, p.424, 1822.

F. Fabre, Protestantisme et colonisation, op. cit, vol.99, p.152, 1998.

À. Présent-Église-protestante-unie-de-coutach,

O. Échange and . Raoul-duval, , 2015.

O. Entretien-avec-le-pasteur and . Raoul-duval, Adolphe Mabille s'installe à Morija en 1860, que Frédéric Ellenberger arrive au Lesotho en 1861 et s'installe à trente kilomètres de là, à Thabana-Morena, ou encore que Louis Mabille succède à René Ellenberger à la mission du Rand, etc. Voir Jean-François ZORN, « Du Béarn à l'Afrique. Les Casalis, une tribu missionnaire protestante au XIX-XX e siècles, 24 juin 2019. Notons que ces dynasties de pasteursmissionnaires du Lesotho, comme les Ellenberger, les Casalis et les Mabille, se connaissent bien. À titre d'exemple, rappelons qu, pp.91-117, 2016.

, De retour en France, Georges suivait l'actualité sud-africaine de près, il « se sentait concerné par ce qui s'y passait, il était dedans 103 », se souvient encore Claire. Elle ajoute : Et justement en cette fin de vie il était tellement de retour là-bas tout en étant à Sauve qu'il parlait sesotho avec [Paul] Ellenberger. Je me souviens : il y avait Olivier Raoul-Duval, et papa raconte à un moment donné comment se passe un mariage là-bas au Lesotho : « Eh bien, si tu veux une femme il te faut du bétail pour payer », puis comme il commençait à raconter n'importe quoi, il dit à Olivier : « Pour pouvoir épouser ma femme

C. L'afrique-du-sud, . Casalis, . Au-point-qu'en, and . Février, lorsque Mandela est libéré, des voisins lui racontent que Georges a parcouru toutes les rues de Sauve en criant : « Il est libre, il est libre ! » Le petit-fils de Georges Mabille et son épouse, Yves et Isabelle Casalis, regrettent de ne pas avoir pu être les interlocuteurs que Georges aurait peut-être souhaité avoir car, s'ils l'écoutaient attentivement, ils ne pouvaient pas appréhender pleinement le vécu extraordinaire de leur grand-père ni le partager avec lui. C'est aussi ce que confirment les fils de Georges Mabille, Christian et Roland. Yves Casalis explique : « Parfois en famille il avait du mal à partager ça. On sentait bien que ce qu'il avait vécu c'était très fort, en dehors même de l'apartheid 105 . » Isabelle Casalis ajoute : Je dirais même que ce qu'il a vécu était tellement spécial que cela pouvait le rendre asocial, même avec les proches. Nous étions dans nos vies parisiennes, le métro, les études des enfants, c'est un autre monde qu'il a vécu. Lui était baigné dans un autre monde, et seuls les gens de làbas, sa fille et ses enfants pouvaient le comprendre. Mais nous, nous ne pouvions pas toujours le suivre, 1990.

, -1944), qui croise les bras sur une célèbre photo de 1936, alors que des centaines de personnes font le salut nazi tout autour de lui, Georges Mabille est de ceux qui ont croisé les bras de la résistance passive au sein même de l'Afrique du Sud de l'apartheid, en cohérence avec leurs convictions, leur foi et le regard bienveillant qu'ils portent sur les êtres humains. Il insuffle une vision du monde différente de celle des idéologues de l'apartheid. Il est une autre voix , n'ayant de cesse d'être témoin du Christ en relatant inlassablement son expérience au travers de ses livres, de ses articles, de ses conférences, mais aussi des voyages qu'il organise pour emmener ses paroissiens en Afrique du Sud, Un proverbe sotho dit que celui qui creuse une source n'en boit pas l'eau. Georges Mabille fait partie de ces personnes qui ont oeuvré efficacement contre un système politique et ont planté les graines qui ont contribué à son démantèlement mais dont l'histoire a quelque peu oublié le rôle, 1910.

, Yves Casalis, ibid

, Isabelle Casalis, ibid

F. Fabre, Protestantisme et colonisation, op. cit, p.147

. Demi-siècle-plus-tôt, . Ainsi, . De-georges-mabille, and . De-morija-au-lesotho-jusqu'à-sauve-dans-le-gard, Georges Mabille s'est investi dans la défense des Sotho et de la majorité noire en Afrique du Sud. De tout cela, il faut à présent garder trace, comme d'un élément de cette microhistoire qui étudie le comportement et l'attitude de ceux qui ne suivent pas le chemin commun de leur époque. Comme l'indique le sous-titre de son livre sur son ami Michael Malefane, il fait lui-même partie de « ceux qui, vol.108