, Ulysse sont ici les plumes des vents ailés qui soufflent dans la bonne direction. L'on retrouve encore les termes de « freno », de « immenso oceano », de courage, l'adjectif « ardito », la découverte de nouvelles étoiles, l'idée de tempêtes inhabituelles, et, surtout, la mention de la victoire sur le sphinx millénaire des Colonnes d'Hercule : Così l'eroe nocchier pensa

. Saluta, E di nuove tempeste ode il muggito 33

. C'est, en ces mêmes termes que Alvise Querini ouvre son poème en dix chants, L'Ammiraglio dell'Indie (1759) 34 : Il consiglio e l'ardir d'un uomo solo Della Liguria io canto, e l'opre nuove, Che all'Ocean fidòssi, e prese il volo Donde ebber fine un dì l'Erculee prove, E discoprì altre stelle, p.35

, d'homme seul, l'audace de l'entreprise (« all'Ocean fidòssi » reprend, en d'autres termes, l'idée du « misi me per l'alto mare aperto » de Dante), le vol que prend le navire, le franchissement de l'interdit des Colonnes d'Hercule, et la découverte d'un autre pôle, d'autres étoiles. Et l'« orazion » picciola ? le discours d'Ulysse à ses marins ? Il transparaît dès le chant II, à travers les paroles de Colomb à l'équipage en révolte. « Dolci compagni », leur dit-il, « in cui dapprima mi fidai tanto, En cinq vers seulement sont regroupés la plupart des termes dantesques jusque-là relevés : l'idée de hardiesse, vol.36

. Vont-ils and . Abandonner, Au chant III, nous voyons Colomb fort bien accueilli par les indigènes, et même reçu par le souverain des lieux qui lui fait visiter les tombeaux des rois défunts. Et qu'aperçoit-il, parmi les tombeaux ? la statue d'un Grec de l'Antiquité ! Il reconnaît les armes, les différentes pièces de la cuirasse, même les bijoux. Et il parvient à déchiffrer une épitaphe en caractères grecs, usés par le temps, mentionnant que cet homme fut le seul survivant de l'équipage d'Ulysse. Alvise Querini, donc, imagine résolument que le vaisseau de l'Ulysse de Dante n'a pas fait naufrage en vue de la montagne du Purgatoire -qui n'existe pas -mais en vue de l'Amérique -qui existe bien. Voici donc un poète avancer pour la première fois, dans le cadre d'une fiction poétique, une idée qui sera reprise au siècle suivant par quelques dantologues

, Ainsi pense l'héroïque capitaine, et il abat les Colonnes d'Hercule si redoutées, il salue des astres nouveaux et entend le mugissement de nouvelles tempêtes

L. Dell'indie, Poema di Ormildo Emeressio pastor arcade, Venezia, appresso Francesco Pitteri, vol.236, p.1759

, hardiesse et les oeuvres nouvelles d'un homme seul qui se lança sur l'Océan et prit son vol, un vol par lequel il mit fin aux frontières qu'étaient les Colonnes d'Hercule, et découvrit d'autres étoiles

. Doux, en qui j'ai placé toute ma confiance »? Mais le texte le plus exemplaire en la matière est certainement une composition d'un poète dont nous savons aujourd'hui peu de choses, 1676.

. Dont-la-canzone-v-est-une-réécriture-fort-réussie-du-récit-que-dante-prête-À-son-ulysse, Colomb est dès le départ évoqué comme « Duce e nocchiero », le chef et capitaine qui le premier dirigea sa proue vers un « stranio mondo », un monde à la fois étrange et étranger. Outre le fait que les termes de « Duce » (« duca », plus exactement) et « nocchiero » sont fréquents chez Dante, on retrouve, comme chez Tassoni, la mention de la proue tournée vers le monde inconnu, en chiasme par rapport à la mention dantesque de la poupe tournée vers le monde connu. Opérant ce choix, écrit l'auteur, Colomb a dédaigné « i riposi neghittosi » dans sa Patrie

«. Sovra-un and . Du-récit-de-dante, venti ignoti » reprend le dantesque « misi me per l'alto mare aperto » de la même phrase. Puis commence le long et périlleux voyage du « volante / Cavo pin », du vaisseau creux qui vole. L'équipage ne tarde pas à être saisi d'angoisse : voilà Colomb qui grimpe sur la poupe et de là prononce un discours tout inspiré de l'« orazion picciola » de l'Ulysse dantesque. Il appelle ses hommes « compagni » et

, Et le jeu avec la vie et la mort, que l'Ulysse de Dante avait conseillé à ses marins de tenter en raison du peu d temps qu'il leur restait à vivre, est ici proclamé haut et fort, à deux reprises, à trois strophes d'intervalle, avec des termes sonnants et pleins d'une emphase qui annonce les accents romantiques du siècle suivant

, Et bien vite apparaît la terre. Mais alors que les marins grecs distinguaient devant eux une « montagna bruna », une masse noire

, « Mû par un esprit vif et audacieux, sur un navire il se livra aux vents inconnus

. «-l', homme devient immortel par-delà les années grâce aux peines qu'il endure. » 40 « Laissons les autres jouir de leurs enfants ou de leur femme. » 41 « Notre gloire sera toujours, incertains de notre sort, de jouer de près avec la mort

. »?-présages, aux hommes de la caravelle s'offre une plage de sable

A. Querini, G. B. Casaregi, and . Au-modèle-de-l'ulysse-dantesque, Alvise Querini avait délibérément imaginé que Christophe Colomb trouvait en Amérique un vestige de l'équipage de l'Ulysse dantesque, et Giovanni Bartolomeo Casaregi avait évoqué le voyage du capitaine génois en le rythmant sur celui du protagoniste du chant XXVI de l'Enfer. Le poète Lorenzo Costa, au milieu du XIX e , dans son épopée Cristoforo Colombo 42 , ira plus loin : non seulement il reprendra, comme bien de ses prédécesseurs, nombre de compositions des cent années à venir, tout comme les cinq oeuvres théâtrales et les deux oeuvres musicales qui ont été répertoriées au XVIII e anticipent les nombreuses pièces et opéras qui fleuriront au cours et à la fin du siècle du Risorgimento

. Amérique, Et c'est en effectuant quasiment un plagiat du chant de Dante que l'auteur fera raconter au vieillard l'expédition funeste de son aïeul, seul survivant du naufrage, un naufrage advenu dans les conditions mêmes de celui de l'Ulysse de Dante. Quant à certaines autres oeuvres de la fin du XIX e siècle, par exemple l'opéra de Luigi Illica et Alberto Franchetti, Cristoforo Colombo (1892) 43 , ou le poème épique de Erasmo Caprani, La scoperta dell'America (1887) 44 , c'est encore en multipliant les termes et échos du chant XXVI qu'ils, qui avait participé en 1291 à la célèbre expédition sans retour des frères Vivaldi, expédition qui, dit-on, fut le point de départ du célèbre récit dantesque

R. Genova, Opéra représenté à Gênes au Teatro Carlo Felice à l'occasion des fêtes du IV e centenaire, vol.88, p.1892

T. Milano and . Degli-operai, , vol.144, p.1887

. L'essai-le-plus-représentatif-dans-ce-domaine-est-celui-de-gaspare and . Finali, , p.70