, Elle est de l'ordre d'un flux d'éléments ininterrompus : à la fois forces et vitesses des matières et des signes graphiques. C'est pour cette raison que Julien Blaine, Alain-Schifres et Jean-Claude Moineau, s'interrogeaient sur « comment la poésie pourrait-elle échapper au discontinu, au montage sinon en renonçant à l'objet, au livre, au mot, à la lettre, au spectacle 15 ? ». Osera-t-on alors poser la question de l'unicité de l'oeuvre qui en découle ? Car, si cette poésie est une échappée de l'écriture, une dérivation qui, à chaque page, correspond à un métabolisme de l'écriture? de quelle unicité sa poésie peut-elle se revendiquer ? Quelles sont les règles poétiques, en somme, qui régissent ce déploiement ? En réalité, D'une certaine manière nous pourrions dire de la poésie de Julien Blaine qu'elle n'a pas de qualités limitées ou fixes, et qu'elle est démesurée

, Chaque page trouve ainsi sa singularité par le grossissement des caractères que sa poésie opère, les distorsions sémantiques qu'elle met en oeuvre, les disjonctions syntaxiques qu'elle provoque ou encore la colorisation et les confrontations à des matières et des signes hétérogènes qu'elle met en scène. À chaque page correspond un événement dont le fait même qu'il advienne, ici et maintenant, confère à la poésie son caractère unique et esthésique. Nous pourrions ainsi dire de la poésie de Julien Blaine qu'elle est en quelque sorte brownienne dans la mesure où son Tout s'organise en un cosmos dont le devenir-évènement de chaque page compose une particule qui le remet en mouvement. Concluons alors en notant que cette superficialité poétique rend la poésie possible, tout autant que l'écriture. Dans les deux cas, nous sommes dans une forme énonciative et signifiante. Il n'y a d'ailleurs pas de hiérarchie entre les deux. Dans le cas de la poésie élémentaire, le poète dégage la matière même de l'écriture et laisse remonter la forme même pour en revenir à sa dimension vocale. Cette dimension orale, qui appelle les sensations de l'énonciateur, celles du lecteur ou du poète, s'échappe de l'écriture et s'effectue à travers une remontée sonore du fait même de l'éclatement syllabique, Là où la poésie trouve dans l'écriture une forme d'unicité reconnaissable et classable par la littérature, la poésie de Julien Blaine explore la multiplicité des voies d'issue à l'écriture

. C'est-À-dire-«-le-corps-lui-même, du langage que la mort traverse pour lui ouvrir cet espace infini où se répercutent les doubles ». Poursuivant, il note que « les formes de cette superposition, constitutive de toute oeuvre, on ne peut sans doute les déchiffrer que dans ces figures adjacentes, fragiles, un peu monstrueuses où le dédoublement se signale. Leur relevé exact, leur classification, la lecture de leurs lois de fonctionnement ou de transformation pourraient introduire à une ontologie formelle de la littérature 16

J. Blaine, M. Blaine-au, and O. , , p.54

M. Foucault, re éd, Vous avez dit élémentaire? Agencement poétique et dispositif d'écriture : à propos de la poésie de, vol.1, pp.282-91, 1963.