Guerre froide
Résumé
La dénonciation précoce (Divini Redemptoris1937) et répétée du caractère «intrinséquement pervers» de l’idéologie communiste avant et après la seconde guerre mondiale,notamment en direction des Alliés,et cesous la plume vigilante du cardinal Domenico Tardini, a eu des conséquences imprévues sur la place de l’Eglise catholique dans la guerre froide. Au commencement de celle-ci, à la fin des années 1940, l’anti-communisme a été confondu par nombre d’Eglises nationales avec la nécessité d’un alignement automatique «au camp de la liberté»et à la politique internationale des Etats-Unis,quand l’évêque de Rome pesait de tout son poids pour éviter le développement du communisme en Italie.De fait, les Eglises américaine, sud-américaines ou ibériques ont pris fait et cause pour les arguments et les méthodes de la politique de containment. Elles ont contribué par leur anti-communisme virulent et largement diffusé,à tenir la majorité des catholiques dans la défiance d’un engagement politique progressiste et social, quand une partie d’entre eux défendaient cette voie.L’autre effet politique direct de l’attitude institutionnelle a été de légitimer des années 1950 aux années 1970 nombre de régimes militaristes et répressifs,mais résolument anticommunistes. Aux Etats-Unis, l’adéquation entre bon américain, chrétien pratiquant, anticommuniste et soutien aux choix du Département d’Etat a été majoritaire chez les catholiques.La diplomatie vaticane a néanmoins été beaucoup plus nuancée que les épiscopats nationaux dès les années 1950. Celle-ci, après ses vains efforts pour éclairer les Alliés du danger de leur partenariat avec les Soviétiques et de leurs erreurs dramatiques sur l’avenir de l’Europe, a choisi comme mot d’ordre tacite de résister à toute politique d’enrôlement américain, comme le Président Truman le souhaitait, à traversson idée de rassemblement religieux mondial pour une paix anti-soviétique. Les années d’après –guerre furent celles d’un relâchementdes liens du Saint-Siège avec les Etats-Unis, de silences éloquents vis-à-vis de l’Alliance atlantique ou de la guerre de Corée. Le soutien à l’idée européennedevint prioritaire, comme une solution de contre-poids idéale,pour rompre la politique des blocs et sauver l’Europe de son quotidien menacé. L’idée européenne a alors permis un rappel constant de «l’autre Europe», elle aussi chrétienne et commune (Lettre apostolique aux peuples de Russie, 7 juillet 1952). Cette large vision de l’Europe va fonder la dynamique de l’Ostpolitik du Saint-Siège, son combat nouveau pour les libertés et la «liberté religieuse» et la fin de toute rhétorique occidentaliste.A l’orée des années 1960,l’encyclique Pacem in Terris entérina officiellement l’attitude de «non alignement» de l’Eglise catholique et la Secrétairerie d’Etat entama des relations diplomatiques directes avec les pays communistes.L’arrivée de Jean-Paul II sonne cependant le glas de l’Ostpolitik du Saint-Siège en Europe, avec un virage visible du pontife vers le camp«américain». Plusieurs recherches accréditent la thèse d’une collaboration étroite entre les Etats-Unis et le Saint-Siège dans le renversement du régime communiste en Pologne et font crédit à Jean-Paul II d’avoir activement favorisé la chute de l’URSS. Ce pape est également crédité d’une active contribution à l’élargissement oriental des frontières de l’Union Européenne.Au sein des Eglises nationales et des opinions publiques catholiques, la peur du communisme
n’est plus un sujet de discorde. Les dégâts causés par cette peur n’ont cependant pas fini d’être évalués par les historiens contemporains.