"Laura" : voir l’image au dos du film
Résumé
Dans un texte paru en décembre 1988 dans le quotidien Libération où il tenait une chronique intitulée « Les Fantômes du permanent », Serge Daney, comme souvent, voit juste et suggère une distinction forte entre cinéma et médias. Dans les médias, d'une façon générale, les dos ont disparu. « Tourner le dos à la caméra » est plus qu'une impolitesse : un crime. De même que la télévision nous a habitués à un monde où le « faux jour » a réduit la part de l'ombre, elle nous accoutume à des corps sans dos, réduits à la frontalité bête d'un recto sans verso. Les images de synthèse ne virevoltent avec une telle gaieté que parce qu'elles n'ont plus d'envers. Dans le cinéma tout pouvait devenir visage ; dans les médias tout est déjà visage 1. À la télévision rien ne vient, rien n'endosse rien : c'est là son caractère obscène, pusillanime, cajoleur. Quant aux images de synthèse, à la texture purement algorithmique, n'ayant pas d'autre existence que virtuelle, dont le langage informatique qui les produit est la matière, elles appartiennent, non au cinéma, mais bel et bien, de droit, au registre (télé)visuel des images : ne prenant appui sur aucune chose préalable, une chose « de derrière » dont elles seraient les images, images sans référent matériel, orphelines, elles sont invertébrées. Ainsi s'explique, sans doute, leur penchant, symétrique, à vouloir absolument tout faire voir, tout mettre à plat, tout jeter devant 2. Au cinéma en revanche, en sus des développements bien connus sur les puissances idiomatiques du horschamp sur lesquelles notre intention n'est pas de revenir (car elles ne
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