LE LANGAGE DES CONCEPTS LÉGISLATIFS
Résumé
Le droit ne saurait se passer de concepts. Avant même son application, sa
simple élaboration paraît inenvisageable sans ces représentations générales de la
réalité, si caractéristiques de la pensée humaine. Les théories de la connaissance
nous en expliquent la raison. Elles enseignent, en effet, que l’esprit humain ne sem-
ble essentiellement disposer que de deux modes de connaissance de la réalité : soit il
saisit directement le concret dans sa singularité, soit il envisage le réel à travers des
représentations nécessairement plus générales et abstraites, en usant de concepts1.
Or, lorsqu’un esprit humain, associé à d’autres, se met en quête de bâtir un édifice
de principes et de règles destinés à régir une partie des rapports générés par la vie en
société, l’appréhension conceptuelle de la réalité à régir devient la seule pertinente.
On ne peut concevoir un système juridique uniquement constitué de directives par-
ticulières adressées séparément à chaque individu. H.L.A. Hart l’écrivait déjà, en
1961, pour débuter sa présentation de la « texture ouverte » du droit : « S’il n’était
pas possible de communiquer des modèles généraux de conduite, que des multitudes
d’individus sont susceptibles de considérer, sans autre directive, comme leur enjoi-
gnant d’adopter une conduite déterminée lorsque les circonstances voulues se trou-
vent réunies, rien ne saurait exister de ce que nous reconnaissons maintenant comme
étant du droit »2.
Origine : Fichiers éditeurs autorisés sur une archive ouverte