Résumé : Au XIXe siècle le port de Marseille s’ouvre pleinement à l’Afrique. À l’Algérie bien évidemment, mais aussi à la Tunisie, à l’Égypte, aux rivages de l’Ouest et de l’Est africain et à la lointaine Madagascar. Avec un trafic marchandises de près de 180 000 tonnes en 1860, le continent africain s’impose dès le milieu du XIXe siècle – et pour près d’un siècle – comme le deuxième partenaire commercial du port de Marseille, loin derrière l’Europe, mais assez nettement devant l’Asie et l’ensemble Amérique/Antilles. Si l’Orient est le rêve ultramarin des Marseillais du XIXe siècle, l’Afrique est leur réalité. L’ouverture des négociants phocéens à l’Afrique, qui marque une étape importante dans le processus de mondialisation de leurs échanges et dans l’européanisation de ce continent, est à la fois progressive et tous azimuts. Elle correspond à deux positionnements politiques successifs qui entretiennent entre eux des liens étroits, tout en offrant des discontinuités notables : la recherche, hormis le cas un peu particulier de l’Algérie, d’une expansion commerciale dans le cadre d’une entente avec les autorités africaines en place ; le souhait, à partir des années 1880, d’inscrire leur activité économique dans un cadre colonial. Cet article vise à essayer de comprendre les ressorts de ce basculement que l’on retrouve, par ailleurs, chez les négociants dans d’autres grands ports européens.